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Tchad : ces salaires qui bouclent à peine deux semaines


Alwihda Info | Par Masrambaye Blaise - 17 Juin 2022


Inflation, emprunts bancaires, les salaires de beaucoup de fonctionnaires tchadiens du secteur public finissent avant les mois prochains.


Tchad : ces salaires qui bouclent à peine deux semaines
Mathieu est le tout premier client d’une banque de la capitale ce matin du 15 juin. Il en ressort hâtivement, l’air renfrogné. Le tout jeune professeur des collèges venu solliciter “un acompte’’ éprouve une grande déception. “J’ai la pire des banques’’, tranche-t-il après un instant de réflexion visiblement infructueuse. Lui qui nourrit 7 mômes est une femme cumule deux prêts bancaires (crédit scolaire et de consommation). Les avances sur salaires sont “obligatoires et normales vu les charges’’. Cet acompte, il ne l’a malheureusement pas eu ce matin en raison d’un problème technique qu’ont “simulé’’ les employés de la banque.

Jules quant à lui, explique avec un brin de colère que son “salaire alimentaire’’ ne peut aucunement couvrir le mois. Contrairement à Mathieu, lui sollicite spontanément l’acompte au paiement du salaire. “La nourriture très très chère, le loyer, les soins, les dérangements des parents du village, l’école des enfants, l’abonnement Canal+, la bonne bière avec les amis…’’, énumère-t-il ironiquement en se rabattant les doigts. “Avec quel miracle ce salaire de misère va atteindre le mois prochain ?’’, interroge-t-il.

“Mon grand frère m’a réveillé tôt ce matin avec un long message’’, relaie Hassan, cadre du ministère des Affaires étrangères. En effet, le grand frère, à quelques jours du “virement’’, a, pour la “nième fois’’ sollicité une aide financière du cadet qui est immédiatement irrité. “Je paie deux loyers, j’assiste ma mère restée en province, lui aussi veut que je l’assiste. C’en est de trop quand même !’’, s’emporte-t-il avant d’ajouter que “d’ailleurs le salaire finit après trois jours seulement’’.

“C’est mon boutiquier qui m’aide, moi’’, informe Félix, comme intéressé par le sujet. La stratégie de Félix vise en effet, à "simuler" un prêt à “son boutiquier’’. A l’amortissement du prêt, Félix devient illico emprunteur en attendant le virement. Et le cycle recommence !

Les débrouillards se tournent les pouces après deux semaines

Ce matin du 15 juin, Polycarpe péniblement réveillé, lance des bouffées de cigarettes devant sa concession ouverte sur un étang. “J’ai marché jusqu’à 1 heure du matin mais je vous jure, je n’ai vendu le moindre article’’, témoigne le colporteur, pinçant du pouce et de l’index la terre pour attester la sincérité de ses propos. Zakiné s’ennuyant à mort sur sa moto faute de client, trouve occasionnellement une occupation : le pari-foot. “Les fonctionnaires ont déjà fini leur salaire. Nous attendons le virement pour reprendre intensément le boulot’’, informe le mototaxi, licencié en gestion des hôpitaux. “J’ai eu 750 francs depuis 4 heures du matin que je suis sorti de chez moi’’, informe-t-il, exhibant la modique somme.

Dans sa cave de coutume animée, Dingam est par moments réveillé de son comptoir par les clients qui n’achètent plus que 2 bières, tout au plus. “Leur argent est déjà fini’’, se moque-t-il.



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